Posté le 18.10.2017 à 15H00
Ceux qui se disent que le western est un genre pour les petits garçons qui ont joué aux cow boys il y a bien longtemps, font fausse route. Car rien n'est plus moderne que Westerns Classiques, cycle formidable autour d'un genre cinématographique éternel.
Au delà des légendes, à découvrir ou revoir, que sont L'Homme qui tua Liberty Valance (The Man who shot Liberty Valance, 1962), La Poursuite infernale (My Darling Clémentine, 1946) où plus que jamais John Ford démontre qu'il n'y a pas besoin de règles pour être juste, ou enfin La Rivière rouge (Red river, Howard Hawks, 1948), L'Homme des vallées perdues (Shane, George Stevens, 1953), et Le Train sifflera trois fois (High Noon, Fred Zinnemann, 1952), Bertrand Tavernier, à l'origine de ce cycle, a choisi aussi des westerns plus secrets mais aux pouvoirs certains.
Le droit de traîner dans les parages
Le western, c'est vivre libre en Amérique. Un postulat éphémère plus facile à rêver qu'à appliquer. L'importance de circuler malgré les dangers étreint L'Homme qui n'a pas d'étoile (Man without a Star, King Vidor, 1955). Dès les premières minutes Vidor accorde la lucidité de son héros, Kirk Douglas en mode blond vénitien tonique, à la sauvagerie d'un Wyoming où l'on tue sans se poser de question pour voyager clandestinement dans un train. Cow boy sans arme, Douglas cherche la plénitude de la vie au grand air, en plein ouest où il faut profiter de tout et partir vite.
Conscience humaine et petits salauds
Moins libertariens, grands films de gauche subversifs, La Porte du Diable (Devil's Doorway, Anthony Mann, 1950), La Flèche brisée (Broken Arrow, Delmer Daves, 1950), Le Salaire de la violence (Gunman's Walk, Phil Karlson, 1958), traitent du métissage, de la cohabitation violente entre communautés (ici, indienne et blanche), et par conséquent de la notion d'héritage tellement pertinente dans l'Amérique actuelle, toujours prête à se cannibaliser ! Il faut alors découvrir impérativement L'Etrange incident (The Ox-Bow Incident, William Wellman, 1943). Ce film puissant est porté par la douceur dépassée d'un Henry Fonda effaré face au pouvoir de la haine au nom de la sacro sainte propriété. En bon stratège, Wellman emmène le spectateur peu à peu vers l'horreur d'une confrontation déséquilibrée entre deux groupes d'hommes. Ca va tellement loin qu'on a du mal à le croire, et que la fin, sous forme de lettre, est inoubliable.
Grands féministes et plus encore
Rarement un genre, pourtant réputé viril, n'aura réservé aux femmes autant de rôles d'enfer. Diane Varsi et Janet Leigh aux looks de garçonnes affrontent le danger, dans La Fureur des hommes (From Hell to Texas, Henry Hathaway, 1958), et L'Appât (The Naked Spur, Anthony Mann, 1953). Les femmes sont la promesse d'un éden à atteindre coûte que coûte, quitte à les forcer sans rien en comprendre, comme dans cette scène de bal très étrange de La Chevauchée des bannis (Day of the Outlaw, André De Toth, 1959). Dans ce western quasi abstrait, inhospitalier où l'on meurt dans la neige, les hommes, perdus dans le paysage vague, voient dans la relation avec les femmes la seule chose qui vaille. C'est passionnant car De Toth déploie son récit sans romantisme mais avec une sécheresse magnifique inattendue. Mais le plus fascinant de tous, avec aussi sa scène où l'homme force la fille à danser, est La Vallée de la peur (Pursued, Raoul Walsch 1947). Rarement un film, et a fortiori un western, n'aura réussi à filmer la très exacte égalité, et différence de tempéraments, entre le masculin et le féminin, pour mieux l'assembler. Robert Mitchum, tout en stabilité physique et morale, attend la vibrante Teresa Wright. Tous les deux en quasi huis clos sont perpétuellement au bord d'une très grande violence à laquelle ils tentent de substituer la confiance par l'amour. L'apport du western dans tout cela est que le monde sauvage n'est jamais loin. Au coeur de cet univers-là, tous les vertiges sont possibles !
Virginie Apiou