Posté le 13.07.2017 à 11H
S'il est moins connu du grand public que ses confrères Charlie Chaplin et Buster Keaton, Harold Lloyd n'en a pas moins durablement marqué l'esprit de générations d'artistes. Films de mafia, bandes dessinées super-héroïques ou séries d'animation, on trouve trace de ses péripéties élastiques et de son air lunaire dans nombre d'œuvres pop. Voici dix hommages ou emprunts dont vous n'aviez sans doute pas conscience.
1. Retour vers le futur
S'il fallait réduire Harold Lloyd a un objet emblématique, ce ne serait ni son chapeau de canotier, ni ses lunettes, mais une horloge. Celle qu'il escalade dans Monte là dessus ! (Safety Last, 1929), au sommet du 12-story Bolton Building de Los Angeles, dans ce qui constitue sa cascade la plus célèbre. Robert Zemeckis, qui s'y connait en burlesque (voir Qui veut la peau de Roger Rabbit ?), la cite à deux reprises dans le premier volet de sa fameuse trilogie à paradoxes. D'abord, dès le début du film, lorsque l'on découvre le laboratoire de Doc, où figure un réveil reconstituant la séquence. Ensuite lorsque l'anecdote devient prédiction et qu'Emmett Brown (interprété par Christopher Lloyd, aucun lien de parenté) rejoue lui-même la scène, suspendu à l'horloge de Hill Valley.
2. Hugo Cabret
Dans son hommage aux pionniers du Septième art, le cinéphile Martin Scorsese sera encore plus explicite que Zemeckis. Lorsque le jeune Hugo rencontre sa camarade Isabelle, qui n'a jamais vu un film de sa vie, il l'emmène en douce voir... Monte là dessus !. Là aussi, le héros finira suspendu à un cadran géant, les pieds ballants au-dessus d'un Paris qui ne semble avoir jamais passé l'âge de la vapeur.
3. Au service secret de sa majesté
Troisième relecture explicite de la séquence de l'horloge : le générique du sixième volet des aventures de James Bond, interprété ici par Georges Lazenby. La série se caractérise notamment par le soin apporté à ses génériques. Et c'est justement au début de celui-ci, composé à partir de silhouettes noires évoluant sur des fonds bleutés un rien psychédéliques, qu'apparaît l'espion, suspendu à une aiguille géante.
4. I-Robot (et Blade Runner)
Dans le film d'Alex Proyas, librement adapté des écrits du père de la robotique Isaac Asimov, une scène voit Will Smith raconter la perte de son bras gauche : lors d'un accident de la circulation provoqué par un camion conduit par un dénommé Harold Lloyd – comme la star, mais sans aucun rapport, précise-t-il pour appuyer l'effet. Coïncidence (hum hum), Harold Lloyd souffrit lui aussi d'une amputation : le pouce et l'index de sa main droite, à cause d'une bombe factice. Plus tard dans le film, le personnage de Will Smith avouera en outre ne pas être à l'aise avec la hauteur... et finira évidemment suspendu au-dessus du vide.
À l'instar de Harrison Ford dans Blade Runner (Ridley Scott), qui se retrouve perché au-dessus d'une rue de Los Angeles... avec deux doigts brisés à la main droite.
5. Astérix chez les Bretons (et Basile, détective privé)
Cet emprunt là n'est pas revendiqué, mais il saute aux yeux. Dans la version animée d'Asterix chez les Bretons, se déroule comme dans l'album du même nom le Tournoi des Cinq Tribus, une compétition de rugby. Astérix et Obélix y découvrent avec stupeur que l'une des équipes a recours à de la potion magique, lorsqu'un certain Ipipipourax, littéralement piétiné par un adversaire, se relève en furie et remonte le terrain tout seul en distribuant des claques au camp adverse. Un exploit, repris sans grande subtilité dans la version live, qui n'est sans rappeler celui réalisé par Harold Lloyd dans The Freshman (Vive le sport !, 1925). À la différence que c'est au cours d'une partie de football américain qu'il se défait d'une équipe entière.
De l'autre côté de l'Atlantique aussi, le cinéma d'animation a fait son travail de mémoire. Ainsi du classique Disney Basile, détective privé, qui se conclue par une confrontation au sommet de Big Ben.
6. Futurama (et Batman et Les Super Nanas)
Harold Lloyd a fait une apparition dans la cultissime série d'anticipation du créateur des Simpsons. Rien d'étonnant en soi, Matt Groening ayant érigé la citation pop au rantg d'art, mais tout de même. En fait d'apparition, il s'agit d'une parodie. Dans le huitième épisode de la troisième saison apparaît ainsi pour la première fois Harold Zoid, l'oncle de Zoidberg, le crustacé de l'espace glougloutant. Un excentrique vieillard qui a connu le succès en tant qu'acteur de comédies muettes, où il apparaissait... chaussé de lunettes et coiffés d'un canotier !
Une tenue par ailleurs adoptée par un homme du Joker dans la série animée Batman : L'Alliance des héros (saison 2, épisode 19).
Enfin, pour en terminer avec les dessins animés, notez que la scène de l'horloge est reproduite dans l'épisode 13 de la cinquième saison des Super Nanas.
7. Dumb & Dumber
S'il est un acteur américain qui se pose en héritier des grands noms du burlesque, c'est bien l'hyper expressif et très caoutchouteux Jim Carrey − certaines stars du catch peuvent prétendre au titre, mais c'est un autre sujet à propos duquel on relira Roland Barthes. Et Dumb & Dumber, le buddy movie qu'il a tourné avec Jeff Daniels pour les frères Farrelly, est sans doute le film le plus représentatif de ses prédispositions à la comédie visuelle. Comme par hasard, les deux frangins demeurés qu'ils interprètent s'y nomment Harry et Lloyd.
8. John Wick
A priori, aucun rapport entre le film d'action over the top de Chad Stahelski, qui marqua le retour en force de Keanu Reeves sur les écrans de cinéma, et les pitreries bon enfant de Harold Lloyd. Et pourtant, au moment de la sortie de sa suite, voici ce que déclarait le réalisateur : « Nous avons tout piqué aux stars du muet. » Du gigantisme de leurs acrobaties au mutisme des héros qu'elles incarnent. Si c'est un film de Buster Keaton qui est projeté sur une façade au début du métrage, Harold Lloyd est évidemment directement concerné, en témoigne le poster ci-dessous, déclinaison de l'un des plus célébères portraits du natif du Nebraska.
9. Le Marin des mers de Chine
On évoquait plus haut Jim Carrey. De l'autre côté du globe, c'est un tout autre type de comédien qui emprunte ses mimiques et sa gestuelle à Harold Lloyd et consorts : Jackie Chan, dont l'excellence martiale a toujours été assortie d'une haute dose de dérision. La filitation est flagrante dans ce film de 1984, qui le voit tour à tour remaker, sur le mode bagarreur et clownesque dont il a le secret : Sherlock Jr de Buster Keaton (le temps d'une poursuite à vélo), Les Temps modernes de Charlie Chaplin (il se dérobe à des liens qui le maintiennent à des rouages) et Monte là dessus ! pour, on vous le donne en mille, une énième variation sur la scène de l'horloge.
10. Superman
Last not least, Harold Lloyd a inspiré Superman ! Ou plutôt Clark Kent, son alter ego dans le civil, dont la ringardise et la maladresse doivent tout au premier nerd de l'histoire – lequel, en soit, avait quelqu'un chose d'un super-héros, à sortir ainsi indemnes de ses spectaculaires péripties. En 1965, le dessinateur Al Plastino poussera l'analogie jusqu'à citer Safety Last en couverture du numéro 174 du comic book : on y voit Clark Kent, accroché à une façade ressemblant à s'y méprendre à celle du 12-story Bolton Building, en passe d'être secouru par son double costumé. Pour l'anecdote, Superman a à voir avec une autre star cinématographique des années 20 : Douglas Fairbanks, dont il a adopté, dans Robin des bois, la pose iconique (les mains sur les hanches, le torse bombé et les jambes écartées).
Bonus : Le Parrain (et Westworld)
Rien d'intentionnel dans ce dernier easter egg, mais les maniaques du recoupement apprécieront : dans le film de Francis Ford Coppola, la maison du producteur véreux Jack Woltz n'est autre que Greenacres, la villa dans laquelle vécut (et mourut) Harold Lloyd à Beverly Hills, au 1740 Green Acres Drive. En tout cas vue de l'extérieur, les intérieurs ayant été filmés dans une autre demeure cossue à Long Island. 44 pièces, un cours de golf, un plan d'eau dédié au canöé : à l'époque, la propriété de Lloyd fut considérée comme l'une des plus impressionnantes du secteur.
On peut également le constater dans le film de science-fiction Westworld de Michael Crichton, où elle sert de décor romain.
Ciné-concerts Harold Lloyd à l'Auditorium de Lyon
The Kid Brother accompagné par l'Orchestre National de Lyon dirigé par Carl Davis - Mercredi 18 octobre à 20h
Monte là-dessus accompangé par Samuel Liégeon à l'orgue - Dimanche 22 octobre à 11h