Edward II

Lorsqu’il adapte Edward II de Christopher Marlowe, tragédie du théâtre élisabéthain, Derek Jarman, cinéaste britannique mais aussi peintre, écrivain, scénographe, a déjà signé nombre de courts et longs métrages, fictions comme documentaires.

À l’origine, le budget d’Edward II devait être pharaonique et la reconstitution somptueuse. Mais la réalité sera tout autre, car les financements n’arriveront pas. Devenant un film d’intérieur au décor minimaliste teinté de médiévalisme (un trône, un lit, des cubes dans des espaces vides), Edward II se partage entre XIV^e et XX^e siècle, dans une relecture totalement affranchie des époques (dialogues élisabéthains et costumes contemporains ou années 1960).

Car Derek Jarman s’intéresse moins à l’Histoire qu’à ses personnages et à leur psychologie. Edward vit un amour fou avec Gaveston, une passion qui éveille l’hostilité des puissants - armée, hommes d’État et d’Église confondus - et la fureur de l’épouse délaissée. Menée par Isabelle, campée par une Tilda Swinton royale, les forces se rassemblent pour écraser un souverain devenu sourd à la raison d’État.

Edward II aborde les thèmes du désir, de l’amour, de la politique, de l’homosexualité et de l’hypocrisie. Et malgré quatre siècles d’écart avec l’œuvre de Marlowe, le parallèle avec l’Angleterre de Thatcher, conservatrice et à l’homophobie latente, est édifiant et tient évidemment de l’acte militant. En 2011, Philippe Azoury écrivait : « Vingt ans ont passé, et devant ce film perpétuellement dans le risque, on se dit que le cinéma ne s’est pas arrangé avec le temps, que Jarman est loin de nous maintenant, ou plutôt que nous sommes indignes de lui, tant les produits 2011 semblent timorés face à cet Edward II inactuel et contemporain à la fois. » (Les Inrockuptibles, 9 février 2011).

Tilda Swinton, qui déclarait que Edward II était « le portrait d’une vie de famille feinte, et une pantomime des mœurs anglaises », verra sa performance récompensée par la Coupe Volpi de la meilleure actrice à la Mostra de Venise.