Dans Battling Butler, l’impassible Buster Keaton retrouve son personnage d’héritier oisif et chétif, qui ici deviendra boxeur par amour. Le thème du "boxeur malgré lui" est un classique du cinéma burlesque : Chaplin l’aura traité avant lui dans Charlot boxeur (1915), et y reviendra par la suite avec Les Lumières de la ville (1931). Le film est plus lent qu’à l’accoutumée, Keaton y est assagi, comme son personnage d’héritier le réclame. Malgré le contexte sportif du film, tout effort physique est évité par le personnage d’Alfred : pourquoi enjamber les cordes du ring si on peut se laisser glisser ?
Moins absorbé par le jeu, Keaton se consacre pleinement à la réalisation, qu’il signe seul : mouvements d’appareils, cadres, angles, tout est particulièrement soigné. « Par de nombreux détails, il a su entourer son personnage d’une enveloppe protectrice : rôle maternel du valet, création d’un environnement familier en pleine campagne, recadrage à l’intérieur de l’image qui réduit le champ visuel et diminue le danger, utilisation de la profondeur de champ qui, en rendant l’arrière-plan net, n’isole plus les personnages. Le visage impassible de Keaton semble un dernier rempart pour le jeune homme, un visage muet fermé au monde extérieur. » (Jean-Luc Lebreton, Jeune Cinéma n°124, février 1980)
Dans ce combat de David contre Goliath, Alfred est voué à mordre la poussière. Le combat, qui dure de longues minutes, est violent – fait rare chez Keaton : les visages se tordent, les coups se font rageurs… Certains souligneront l’aspect quasi documentaire du film. Et quand, sans crier gare et sans aucune transition, Alfred se découvre des capacités physiques insoupçonnées et met KO le champion, la surprise est totale. Pour Jean-Pierre Coursodon, ce manque de transition (passage de l’incompétence à la suradaptation) affaiblit le film. Mais pour Claude Gauteur, « le miracle se produit, miracle d’énergie et de volonté, Alfred serre les dents, se rebiffe et pulvérise. Alfred Battling : il n’a pas usurpé son surnom ? Sportif par amour, l’avorton devient un champion amoureux du sport. » (Cahiers du cinéma n° 130, avril 1962)
Battling Butler
États-Unis, 1926, 1h17, noir et blanc, format 1.33
Réalisation : Buster Keaton
Scénario : Paul Gerard Smith, Al Boasberg, Charles Smith, Lex Neal, d’après la comédie musicale Battling Butler de Stanley Brightman et Austin Melford
Photo : Bert Haines, Devereaux Jennings
Direction technique : Fred Gabourie
Production : Buster Keaton Productions
Interprètes : Buster Keaton (Alfred Butler), Sally O'Neil (la jeune fille), Walter James (le père de la jeune fille), Francis McDonald (le boxeur, Alfred "Battling" Butler), Bud Fine (le frère de la jeune fille), Tom Wilson (l'entraîneur), Eddie Borden (le manager), Snitz Edwards (le valet d’Alfred)
Sortie aux États-Unis : 19 septembre 1926
Sortie en France : mars 1927
Remerciements à Cohen Films – Cineteca di Bologna
Restaurations menées dans le cadre du Keaton Project par Cohen Media Group au laboratoire L'Immagine Ritrovata de Bologne.
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