Bob le flambeur

« Quand en 1950, j’écrivis Bob, je voulais faire une peinture aussi exacte que possible du "Milieu" français, un documentaire sur le Milieu. Non point tant le hold up que la préparation d’un coup dans le Milieu. Je dois dire qu’Asphalt Jungle m’en a complètement détourné et j’ai fait un film gai. Bien sûr, j’y ai peint le Milieu, mais avec mes souvenirs de 1935. Ce n’est plus le Milieu actuel. Bob dit : "Le Milieu n’est plus ce qu’il était ; c’est pourriture et compagnie maintenant." […] Des Bob le flambeur, on n’en trouve plus. » (Jean-Pierre Melville dans un entretien avec Claude Beylie et Bertrand Tavernier, Cahiers du cinéma n°124, octobre 1961)

Pour son premier scénario original et son premier film noir, Melville ne reprend rien du folklore "Série Noire à la française", genre alors naissant, et signe un film très personnel, hommage au cinéma américain qu’il affectionne particulièrement. Avec ses souvenirs, il raconte Paris, les truands, les joueurs, les filles, un Montmartre et un Paris populaire qui disparaissent, une ville entre chien et loup. Le film, sans grands moyens financiers, sera tourné en grande partie en extérieur, puisant sa force dans les images du chef opérateur Henri Decae.

Film sur la préparation minutieuse d’un casse, Bob le flambeur revêt, avec sa fin absurde, les habits de la fatalité et de l’inutilité de l’effort. Bob, truand élégant, modèle du bandit-dandy, est un homme fatigué. Face au miroir, il fait le bilan : « Une belle gueule de voyou ». Et si Bob est si criant de vérité, c’est qu’il est campé par Roger Duchesne. L’acteur, depuis longtemps invisible sur les écrans, était presque une vedette avant la guerre. Il avait par la suite sombré dans les affaires louches de la collaboration, puis écopé de deux ans de prison après un casse, avant d'écrire quelques romans policiers. Pour le contacter, Melville s’adressa au Milieu et le retrouva dans un garage automobile, en banlieue parisienne… Un rôle sur mesure donc.