John Ford dépeint ici un Ouest crépusculaire, laissant place à une société plus moderne, administrée, démocratique. James Stewart représente cette nouvelle ère. Jeune juriste fébrile, Stoddard débarque à Shinbone, convaincu des vertus de la loi. C’est par le droit qu’il entend libérer la ville du joug de Liberty Valance. Face à lui, John Wayne incarne la mythologie d’un Ouest bientôt révolu. Dans le rôle de Tom Doniphon, force tranquille, il est le seul à oser tenir tête au bandit. Entre les deux acteurs, c’est une rencontre au sommet.
Un jour, une provocation oblige Stoddard à affronter le malfaiteur. Contre toute attente, l’avocat peu habile sort vainqueur du duel. Il devient "l’homme qui a tué Liberty Valance". Grâce à ce haut fait, il gagne le cœur d’Hallie, dont était épris Doniphon, et construit une brillante carrière. Mais Stoddard découvre la vérité : ce n’est pas lui qui a tiré sur le bandit. Ce fait d’armes n’est pas le sien, mais celui de Doniphon - par un jeu de cadrage, Ford nous montre la scène sous un autre jour. Doniphon, qui ne retirera aucune gloire de son acte, meurt seul et oublié. C’est la victoire amère de la jeune génération sur les vieux héros de l'Ouest. Lorsque Stoddard avoue son imposture, le journaliste se refuse à rétablir la vérité : « Dans l’Ouest, quand la légende devient un fait, on imprime la légende. »
Variation sur le mythe et la réalité, L’Homme qui tua Liberty Valance est tourné exclusivement en studio, dans une atmosphère nocturne. Malgré les réticences des producteurs, Ford refuse la couleur et rend au western ses plus beaux noirs et blancs.
Les années 1960 marquent la fin d’une période faste pour le genre. Avec le coup d’envoi du western italien et le retrait de Ford, il connaîtra ses plus profonds changements.
« Les héros de Ford vieillissent avec son œuvre », déclare Bertrand Tavernier. Sous le signe d’un enterrement, on retrouve, au soir de sa vie, cet homme qui a tué Liberty Valance, penché sur la tombe d’un ami. Le réalisateur pose un regard mélancolique sur cet Ouest sauvage, à la veille de disparaître, et adresse un adieu ému au western tel qu’il fut. Si Frontière chinoise en 1966 est son ultime film, L’Homme qui tua Liberty Valance est, en quelque sorte, le chant du cygne de John Ford.
L’Homme qui tua Liberty Valance (The Man Who Shot Liberty Valance)
États-Unis, 1962, 2h03, noir et blanc, format 1.85
Réalisation : John Ford
Scénario : James Warner Bellah, Willis Goldbeck, d’après une histoire de Dorothy M. Johnson
Direction artistique : Eddie Imazu, Hal Pereira
Photo : William H. Clothier
Musique : Cyril J. Mockridge
Montage : Otho Lovering
Décors : Sam Comer, Darrell Silvera
Costumes : Edith Head
Production : Willis Goldbeck, John Ford, Paramount Pictures
Interprètes : James Stewart (Ransom Stoddard), John Wayne (Tom Doniphon), Vera Miles (Hallie Stoddard), Lee Marvin (Liberty Valance), Edmond O’Brien (Dutton Peabody), Andy Devine (Link Appleyard), John Carradine (Cassius Starbuckle)
Sortie aux États-Unis : 22 avril 1962
Sortie en France : 3 octobre 1962
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