Programme de courts métrages : La Voisine de Malec, Malec l’insaisissable, Frigo l'esquimau

Depuis 1917, Buster Keaton tourne dans des courts métrages pour la Comique Film Corporation, aux côtés du célèbre Roscoe "Fatty" Arbuckle. Lorsque Fatty est engagé par la Famous Players-Lasky Corporation pour devenir la vedette de longs métrages, le producteur Joseph M. Schenck, cofondateur de la Comique Film, propose à Buster Keaton de devenir son acteur principal et le coréalisateur de ses propres films. Celui-ci s’installe alors dans les anciens studios Chaplin, rebaptisés Studios Keaton. Dans la plus grande indépendance, Keaton rassemble autour de lui une équipe réduite, mais enthousiaste. Entre 1920 et 1923, il coréalisera près de vingt courts métrages, parfois à un rythme de six par an !

Produit de l’année 1920, La Voisine de Malec est une version burlesque du Roméo et Juliette de Shakespeare. Deux familles se livrent une guerre de voisinage, et leurs enfants, amoureux, décident de se marier contre leur volonté. Tout va très vite ici : c’est un véritable feu d’artifices de poursuites, de cascades, de chutes, de rebondissements en tous genres. Mais si l’histoire est prépondérante, Keaton se préoccupe de plus en plus de la qualité visuelle de ses films et construit ce qui sera sa signature : symétrie dans le champ, mathématique de l’espace, cascade athlétique.

Dans Malec l’insaisissable, un homme, frappé de malchance, est pris pour un terrible criminel. Présumé coupable, il doit échapper à la police et à un sort funeste, par tous les moyens. Et ce, quitte à basculer dans l’illégalité, à devenir lui-même un délinquant, afin de rester innocent. CQFD. Basée sur la permutation d’identité, l’intrigue enferme le protagoniste dans une situation impossible dès le début du film et ne l’en délivrera qu’à la fin. Avec Malec l’insaisissable, Keaton entame son travail sur la course poursuite, qui ici préfigure celles de Frigo déménageur (1922) ou des Fiancées en folie (1925).

Enfin, Frigo l’esquimau, dans la lignée de Frigo Frégoli (1921), aborde la dualité rêve vs. réalité. Truffé de gags nonsensiques, comme la station de métro au milieu d’un nulle part enneigé, ce court métrage est une parodie des westerns de William S. Hart. Sans dévoiler ici la fin du film, le personnage de Buster Keaton peut dans cette aventure user de son pistolet, tuant par erreur mais sans regret, ce qui est une grande première dans la filmographie du comique américain.