Paysan déraciné et cupide, Howard Kemp ne vit plus que dans l’espoir de toucher la récompense qui lui permettra de racheter sa ferme. L’appât du gain, voilà ce qui réunit ce farmer méfiant et ses compagnons de fortune. Entre les hommes, des rapports à couteaux tirés se précisent. L’intrigue resserrée, concentrée autour de ces cinq personnages, prend des allures de huis clos. Mais un huis clos au grand air, tourné dans les vastes espaces du Colorado, aux abords d’un piton rocheux, le Naked Spur, qui inspirera au cinéaste sa scène finale et donnera son titre au film.
Les paysages de Mann ne sont pas les horizons déserts plébiscités par le western. Ils sont faits de montagnes escarpées, de torrents dévastateurs et de cimes enneigées. C’est un décor redoutable, hostile, plus dangereux encore que l’homme. Le cinéaste tisse des liens secrets entre les personnages et leur environnement. La nature y est plus vivante, plus vigoureuse que jamais, et les passions humaines, dans cet Ouest sauvage, se déchaînent avec d’autant plus de force.
La mise en scène est traversée ponctuellement d’éclairs de violence. Pour le critique André Bazin « contempler est en effet pour Anthony Mann le but ultime de la mise en scène du western. Non qu’il n’ait de goût pour l’action et sa violence, sa cruauté même. Il sait, au contraire, la faire éclater avec une soudaineté éblouissante, mais nous sentons bien qu’elle déchire la paix et qu’elle aspire à y retourner. » (André Bazin, Cahiers du cinéma n° 55, janvier 1956)
Parmi les cinq films du tandem James Stewart-Anthony Mann, L’Appât est, à bien des égards, l’un des plus accomplis. Loin de bouleverser les conventions du genre, le cinéaste les magnifie. Pour Bazin, c’est à Mann que le western doit quelques-uns de ses plus grands moments : « Qui veut savoir ce qu’est le vrai western et les qualités de mise en scène qu’il suppose […] ne peut en tout cas pas manquer de connaître le plus beau de tous : L’Appât. » (Qu’est-ce que le cinéma ?, André Bazin, éd. du Cerf)
L’Appât (The Naked Spur)
États-Unis, 1953, 1h30, couleur (Technicolor), format 1.37
Réalisation : Anthony Mann
Scénario : Sam Rolfe, Harold Jack Bloom
Direction artistique : Malcolm Brown, Cedric Gibbons
Photo : William C. Mellor
Musique : Bronislau Kaper
Montage : George White
Décors : Edwin B. Willis
Production : William H. Wright
Interprètes : James Stewart (Howard Kemp), Janet Leigh (Lina Patch), Robert Ryan (Ben van der Groat), Ralph Meeker (Roy Anderson), Millard Mitchell (Jesse Tate)
Sortie aux États-Unis : 25 mars 1953
Sortie en France : 2 octobre 1953
Remerciements à Warner Bros.
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