L'Homme qui n'a pas d'étoile

Tourné en vingt-quatre jours, entre deux engagements de Kirk Douglas, L’Homme qui n’a pas d’étoile est réalisé par King Vidor, l’homme derrière La Foule, Le Rebelle et bien d’autres titres. Mais Vidor déclara : «  À part la photographie et le paysage, il n’y a pas grand-chose de moi dans le film. Je n’ai pas écrit le scénario, il m’a été imposé. » Il est vrai que c’est un film de commande. Kirk Douglas, à l’origine du projet, regrettera ouvertement le choix de Vidor à la réalisation.

Pourtant, les thèmes vidoriens irriguent L’Homme qui n’a pas d’étoile : la terre, la liberté, les rapports homme-femme forcément sexuels, la femme toujours forte et fatale, la vision individualiste du monde, et un humour entre cynisme et insolence. L’homme qui veut rester libre face aux frontières et aux barbelés doit affronter une Amérique en plein changement. Les grands territoires deviennent parcelles, le mode de vie des native Americans laisse place au progrès, à la puissance terrienne et à la réussite économique à tout prix. Les conflits naissent entre les free-landers, grands propriétaires partisans du libre pâturage et les petits propriétaires inquiets de voir disparaître leur héritage. L’heure n’est déjà plus à la conquête.

« L’Homme qui n‘a pas d’étoile raconte l’histoire hautement symbolique d’un homme épris de grands espaces, vaguement anarchiste, vaguement tueur, vaguement justicier, qui ne veut donner de leçons à personne d’autre qu’à lui-même. L’individualisme féroce de King Vidor colle comme deux gouttes d’eau à ce personnage-emblème qui porte ses idées sur son visage comme un rictus, comme un slogan. Son mode de vie est condamné par l’avidité des grands éleveurs et il le sait. Comble de dérision, il est amené à lutter aux côtés de petits fermiers qui posent des barbelés pour se protéger, barbelés qui l’ont cicatrisé à vie et qu’il déteste plus que tout. Paradoxal, frénétique, érotique, fiévreux, ce grand western primitif est aussi d’une rare mélancolie. » (Louis Skorecki, Libération, 6 octobre 1998)