La Ciociara

La Ciociara est l’adaptation d'une nouvelle d’Alberto Moravia, produite par Carlo Ponti, ami de l’écrivain. Le film devait à l’origine être dirigé par George Cukor. Le réalisateur américain souhaitait confier le rôle de Cesira à Anna Magnani, et Carlo Ponti voulait imposer Sophia Loren, sa compagne, dans le rôle de Rosetta. Face au refus de Magnani, qui trouvait ridicule de jouer la mère d’une actrice plus grande qu’elle, George Cukor abandonna le projet. La distribution fut remaniée : Vittorio De Sica à la réalisation et Sophia Loren dans le rôle de Cesira.

L’actrice devient alors cette femme pauvre, dite "la Ciociara" (terme désignant à la fois les paysannes qui portent des ciocie, une semelle de bois avec des lanières de cuir, et la campagne où elles habitent, entre Naples et Rome). Débraillée, enlaidie, portant seulement un peu de rose sur les lèvres, l’actrice offre le visage d’une paysanne à l’humanité surprenante, dans une veine néoréaliste, à l’opposé des rôles sophistiqués qu’on lui a fait jouer en Amérique. Elle donne ainsi corps au souvenir et à la souffrance de Moravia, réfugié en Ciociarie durant la guerre et qui dans sa nouvelle, pénétrante étude sur les hommes qui essayent d’échapper à la guerre, a utilisé son expérience pour donner vie au personnage de Cesira.

Cherchant à comprendre le passé en revenant sur un moment-clé de l’histoire de son pays, De Sica « déplore les désastres de la guerre, met en évidence la responsabilité de chacun et, ayant perdu une part de son humour, il infléchit son récit du côté du mélodrame. » (Freddy Buache, Le Cinéma italien, L’Âge d’homme)