La Flèche brisée

À l’âge de 22 ans, Delmer Daves part vivre au sein d’une tribu indienne. Il y apprend les coutumes et la langue, qu’il retranscrit avec respect et réalisme dans La Flèche brisée. Dans ce film quasiment ethnologique, le cinéaste rapporte avec soin le quotidien du camp et la philosophie apache, à travers le regard pacifique de Tom. Cet attachement à la culture indienne se manifeste dans le vibrant portrait que Daves brosse de Cochise. Colosse à la force tranquille, interprété par Jeff Chandler, le chef incarne la grandeur et la sagesse de son peuple. Tom est convaincu de cette aura : « Ne lui mentez jamais. Ses yeux voient au plus profond du cœur. Il est plus grand que tous les hommes ».

Daves veut livrer un western adulte et qui rétablira la figure indienne, trop souvent caricaturée. « Dans La Flèche brisée, les Indiens ont le sens de l’honneur, la dignité naturelle, les espoirs simples de tous les êtres humains » déclare le cinéaste (Télérama, mars 1965). Il estime qu’il s’agit là du tout premier pas vers cette réhabilitation à l’écran. L’affirmation n’est pas tout à fait exacte, mais La Flèche brisée entraîne néanmoins dans son sillage une vague de films en faveur d’une nouvelle représentation de l’Indien.

Déroulant des étendues sauvages, La Flèche brisée est un western humaniste, que Daves conduit du côté du mélodrame. La délicatesse de sa mise en scène et l’attention poétique portée aux paysages en font une œuvre rare sur la rencontre de deux cultures que pourtant tout sépare. James Stewart y trouve l’un de ses premiers grands rôles dramatiques. Il commence là sa carrière de westerner, qu’il poursuivra la même année devant la caméra d’Anthony Mann.

Cinéaste injustement méconnu, Delmer Daves est de ceux « que l’on doit admirer passionnément » déclare Bertrand Tavernier. Dans Amis américains, le cinéaste insiste sur « tout ce qui fait l’extrême originalité de Daves, tant dans sa manière de filmer et d’appréhender la dramaturgie que dans le regard posé sur les différents genres où il s’illustra et que, pour certains, il bouleversera. Originalité forte, évidente quand on l’oppose à ses contemporains, tout à fait sidérante quand on pense au cinéma actuel. » (Amis américains, Bertrand Tavernier, Institut Lumière /Actes Sud)