Depuis La Vérité, Clouzot a réalisé des documentaires sur de grands compositeurs, et a surtout été contraint d’abandonner pour raisons de santé son grand projet, L’Enfer, avec Romy Schneider. Depuis quelque temps, le cinéaste fait des recherches photographiques personnelles autour du corps, de la nudité et de l’érotisme. Il achève à peine l’écriture de ce qui s’appelait au départ Le Mal quand sort Blow Up d’Antonioni. Il recommence tout, son photographe sera un amateur et évoluera dans le milieu de l’art cinétique. Car Clouzot souhaite reprendre les expérimentations visuelles entamées pour L’Enfer. Il travaille donc avec les chercheurs du Groupement de Recherche d’Art visuel, et parmi eux, avec Yvaral, le fils de Vasarely. Clouzot, pour son premier long métrage en couleurs, use ainsi de magnifiques effets de prisme et de flash.
Le tournage de ce film sur un triangle infernal ne sera pas de tout repos, interrompu par le surmenage du réalisateur et Mai 68. Clouzot déclare avoir modifié ses méthodes de travail et enfin accepté le changement en cours de tournage, la réécriture des dialogues… Il lui faudra effectivement plus de souplesse face à son actrice principale Élisabeth Wiener, désormais hermétique à l’autorité depuis son passage sur les barricades.
Film sur un couple libre, une relation sulfureuse, une passion sexuelle sadomasochiste, sorte de mélange de Belle de jour de Buñuel et du Voyeur de Michael Powell, La Prisonnière peut paraître aujourd’hui un peu désuet. Clouzot déclarait pourtant à l’époque : « Ce film est le plus proche de moi, le plus sincère, celui où je me livre le plus » (L’Express, 25 novembre 1968). Seule certitude : comme tous les Clouzot, il divisa : film réactionnaire et vieillot pour les uns, pornographe et sulfureux pour les autres !
« Trop audacieux pour les bien-pensants, pas assez osé pour ceux qui espéraient des scènes "chaudes". Du coup, bien peu remarquent sa splendeur plastique, sa perfection stylistique, les détails qui pourtant modifient la perception des scènes (des plans noirs d’un cinquantième de seconde dans les images du cauchemar, les stores rouges de l’immeuble d’en face baissés ou relevés en ordre croissant, selon l’intensité de la scène)… Il est vrai que La Prisonnière est un film à la fois passionnant et décevant. Comme beaucoup de films de recherche pure, ce qu’est assurément celui-ci, mais avec une connaissance et une maîtrise du cinéma et de ses effets à nulle autre pareille. » (Pascal Mérigeau, extrait du catalogue de France Cinéma 1998).
La Prisonnière
France, Italie, 1968, 1h46, couleurs (Eastmancolor), format 1.66
Réalisation, scénario & dialogues : Henri-Georges Clouzot
Photo : Andréas Winding
Musique : Anton von Webern, Gustav Mahler, Iannis Xenakis, Gilbert Amy
Montage : Noëlle Balenci
Décors : Jacques Saulnier
Costumes : Mlle Wiener, Jacques Heim
Production : Robert Dorfmann, Les Films Corona, Vera Films, Fono Roma
Interprètes : Élisabeth Wiener (Josée), Laurent Terzieff (Stanislas Hassler), Bernard Fresson (Gilbert Moreau), Dany Carrel (Maguy), Daniel Rivière (Maurice), Dario Moreno (Sala), Claude Piéplu (le père de Josée), Noëlle Adam (la mère de Josée), Pierre Richard (un artiste), Roger Van Hool (un artiste), Germaine Delbat (la gérante), Michel Etcheverry (le chirurgien), Clément Thierry (un artiste), Jackie Rollin (la caissière), André Tomasi (l'installateur), Michel Piccoli, André Luguet, Charles Vanel (des invités au vernissage)
Sortie en France : 20 novembre 1968
Ressortie le 8 novembre 2017
Remerciements au distributeur Les Acacias et à Studiocanal
Restauration 4K par Studiocanal, avec le soutien du CNC.
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