Picasso et Clouzot se rencontrent dans les années 1920 à Paris, se fréquentent un peu et se perdent de vue. Puis se retrouvent des années plus tard, dans le sud de la France où, voisins, ils partagent deux amours communes : la tauromachie et la peinture, nouvelle passion du cinéaste. Les deux hommes souhaitent travailler ensemble et c’est la découverte de nouveaux feutres-pinceaux en provenance des États-Unis qui créera le déclic.
« On donnerait cher pour savoir ce qui se passait dans la tête de Rimbaud quand il écrivait Le Bateau ivre… Pour un peintre, il suffit de suivre sa main. » Plus que la main de Picasso, ce sera son geste que filmera Clouzot. L’œuvre picturale apparaît à l’écran comme par magie : grâce à l’encre des feutres-pinceaux qui traverse le canevas sans baver, le cinéaste peut installer la toile entre la caméra et le peintre. Et quand le peintre souhaite peindre à l’huile, la caméra est dans son dos, et il s’écartera à chaque geste afin de laisser Clouzot filmer. Le Mystère Picasso ne filme pas le peintre en action, mais la naissance de l’œuvre.
Accompagné du directeur de la photo Claude Renoir, petit-fils du peintre et neveu du cinéaste, Clouzot adapte la technique à l’œuvre filmée : noir et blanc, couleurs, format standard, Scope… « Matériellement, Le Mystère Picasso est un film noir et blanc tiré sur pellicule couleur, sauf, exclusivement, quand l’écran est occupé par la peinture. […] Clouzot ainsi fait admettre (si implicitement que seule la réflexion nous le révèle), comme une réalité naturelle que le monde réel soit en noir et blanc, à l’exclusion de la peinture. » (André Bazin, Cahiers du cinéma n°60, juin 1956)
Picasso disait : « Il faudrait pouvoir montrer les tableaux qui sont sous le tableau. » Si Le Mystère Picasso donne à voir, il n’explique rien. Le mystère reste entier. Le peintre n’annonce jamais ce qu’il va peindre, et chacun des traits surprend, déconcerte et emmène ailleurs. Lors de sa présentation au Festival de Cannes (où il recevra le Prix spécial du jury), Le Mystère Picasso séduit la critique mais laisse perplexe les mondains qui s’étaient empressés d’assister à la projection. Car le film n’est en rien fait pour convertir les détracteurs. À l’issue du festival, Clouzot dira à Picasso : « Quand nous serons tous morts, toi, moi et tous, le film continuera à être projeté. » Les œuvres du film depuis disparues ou détruites, le film a aussi été un moyen de garder une trace de cette fabuleuse rencontre.
Le Mystère Picasso
France, 1956, 1h18, noir et blanc / couleurs, format 1.37
Réalisation : Henri-Georges Clouzot
Photo : Claude Renoir
Musique : Georges Auric
Montage : Henri Colpi
Production : Henri-Georges Clouzot, Filmsonor
Présentation au Festival de Cannes : 5 mai 1956
Sortie en France : 18 mai 1956
Ressortie le 8 novembre 2017
Remerciements à Gaumont Distribution
Numérisation et restauration 4K effectuées à partir du négatif.
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