Sur le tournage de Quai des Orfèvres, Clouzot fait la rencontre de Vera Amado Gibson, épouse du comédien Léo Lapara. C’est le coup de foudre pour cette fille de diplomate brésilien. Vera épouse Clouzot dès janvier 1950. Le cinéaste entreprend alors de réaliser un documentaire sur le pays de son épouse, Brasil. Il n’en viendra pas à bout.
Parallèlement, Georges Arnaud, ancien élève de Sciences po, accusé d’un triple meurtre puis acquitté, chercheur d’or et chauffeur de camion en Amérique latine, publie son premier roman (à l’origine, un synopsis dont aucun producteur ne veut). Il s’agit du Salaire de la peur, grand succès public.
Clouzot décide d’adapter le livre et de tourner en Camargue, où il fera construire une véritable ville. Pas un seul décor en studio, tout sera filmé en extérieur. Le tournage de neuf semaines débute mi-juillet 1951, mais est rapidement interrompu par des pluies torrentielles, puis par des accidents et des maladies. Peu d’images en boîte donc et une production ruinée. Le temps de se refaire une santé, le tournage du Salaire de la peur s’achèvera à la fin de l’été 1952.
À l’exception du rôle de Linda (tenu par Vera Clouzot, dans son premier rôle au cinéma), Le Salaire de la peur est un film d’hommes et une véritable épopée. Pour Jacques Lourcelles, Clouzot est « un cinéaste d’action et un créateur de personnages ». Ici, il a réuni un casting qui n’enthousiasmait pas les professionnels : Montand, peu enclin à tourner après l’échec des Portes de la nuit de Marcel Carné ; Vanel, un peu oublié après quarante ans de carrière… Gabin, lui, a refusé le « rôle de lavette » qu’on lui proposait. Et c’est tout le talent de directeur d’acteur de Clouzot qui éclate alors : en tête-à-tête, il fait travailler Montand, qui se révèle à l’écran, et Vanel sera récompensé pour son incroyable prestation d’homme vieilli et peureux.
Dans ce film sur « des morts qui marchent », Clouzot installe un climax de survie, de noirceur, d’engluement, d’ambiguïté humaine grâce un prologue de plus d’une heure, indispensable au thriller qui suivra, devenu un modèle du genre pour les Américains. Quand on lui demandera quel est le secret du film, le cinéaste répondra : « les détails ». Car tout est réaliste, précis, tout, même ce qui ne sera pas à l’écran comme le linge dans les tiroirs, les figurants longuement castés qui ne tourneront pas, le véritable pétrole dans lequel pataugeront des journées durant les comédiens… Visuellement, le film joue sur le clair-obscur, les contrastes, la lumière et les ombres de ce pays tropical, incontestable réussite technique de son auteur désormais devenu « montreur d’ombres ».
Le Salaire de la peur, classique du patrimoine, remportera la même année la Palme d'or à Cannes et l'Ours d'or à Berlin. Et fera déclarer à Edward G. Robinson, juré à Cannes : « Je viens de recevoir un formidable coup de pied dans le ventre ! »
Le Salaire de la peur
France, Italie, 1953, 2h36, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Henri-Georges Clouzot
Scénario & dialogues : Henri-Georges Clouzot, avec la collaboration de Jean Clouzot (sous le pseudonyme de Jerôme Geromini), d'après le roman éponyme de Georges Arnaud
Photo : Armand Thirard
Musique : Georges Auric
Montage : Henri Rust, Madeleine Gug
Décors : René Renoux
Production : Raymond Borderie, Henri-Georges Clouzot, Compagnie Industrielle et Commerciale Cinématographique, Filmsonor, Vera Films, Fono Roma
Interprètes : Yves Montand (Mario), Charles Vanel (Monsieur Jo), Folco Lulli (Luigi), Peter Van Eyck (Bimba), Vera Clouzot (Linda), William Tubbs (O'Brien), Dario Moreno (Hernandez), Jo Dest (Smerloff), Centa (le chef du camp), Luis de Lima (Bernardo)
Présentation au Festival de Cannes : 16 avril 1953
Sortie en France : 22 avril 1953
Ressortie le 8 novembre 2017
Remerciements au distributeur Les Acacias et à TF1 Studio
Restauration 4K par TF1 STUDIO et Hiventy, en collaboration avec la Cinémathèque française et le soutien du CNC, des Archives audiovisuelles de Monaco, de Kodak et de CGR cinémas. Etalonnage Guillaume Schiffman.
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