Après l’échec commercial – et sans doute attendu - du Mystère Picasso, Clouzot veut renouer avec le succès public. Il cherche à filmer l’absurde, et pense à adapter Le Procès de Kafka, mais renonce. Le déclic lui vient en lisant un roman tchèque, Le Vertige de minuit d’Egon Hostovsky. Interrogé bien avant la sortie des Espions par Ciné-revue, Clouzot décrit son film comme « l’histoire d’un psychiatre raté, aux prises avec de faux fous, de vrais aliénés et des agents secrets qui ont dû si souvent donner des gages à chaque camp qu’ils ne savent plus eux-mêmes la partie qu’ils jouent. »
Cette « noire tragédie de l’âge atomique » (toujours selon Clouzot) ne joue pas sur l’imaginaire aventurier des services secrets mais sur tout un univers psychologique retors. Les personnages avancent sans comprendre pourquoi, mais ne s’arrêtent pas pour autant. Un cauchemar éveillé, l’absurde à l’état pur. Mais dans cette atmosphère à couper au couteau, la dimension burlesque est bien présente, la farce grinçante. Clouzot demande même à l’humoriste Siné de réaliser l’affiche du film et toute la campagne de promotion.
À sa sortie, Les Espions surprend : pourquoi le maitre du noir a-t-il réalisé ce bien étrange et incompréhensible film d’espionnage ? Le film est mal reçu, mal compris. Depuis, il n’a été que peu montré.
Sept ans plus tard, Francis Lacassin et Raymond Bellour, dans leur ouvrage Le Procès Clouzot (Le Terrain vague) ont peut-être élucidé le mystère de ce film : « Pour démêler l’écheveau embrouillé des Espions, ils convient de se rappeler que trois films défilent simultanément sur l’écran et se superposent : une aventure d’espionnage, une odyssée kafkaienne, un roman d’amour. À chacun d’appliquer sa grille, selon son goût et ses inclinations philosophiques. »
Les Espions
France, Italie, 1957, 2h05, noir et blanc, format 1.66
Réalisation : Henri-Georges Clouzot
Scénario & dialogues : Henri-Georges Clouzot, Jean Clouzot (sous le pseudonyme de Jérôme Géronimi), d'après le roman Le Vertige de minuit de Egon Hostovsky
Photo : Christian Matras
Musique : Georges Auric
Montage : Madeleine Gug
Décors : René Renoux
Production : Henri-Georges Clouzot, Filmsonor, Vera Films, Pretoria Film
Interprètes : Gérard Séty (le docteur Malik), Curd Jürgens (Alex), Vera Clouzot (Lucie), Peter Ustinov (Michel Kaminski), Sam Jaffe (Sam Cooper), Martita Hunt (Connie Harper), Otto-Eduard Hasse (Hugo Vogel), Gabrielle Dorziat (Mme Andrée), Louis Seigner (Valette), Pierre Larquey (chauffeur de taxi), Paul Carpenter (Howard), Sacha Pitoëff (Léon), Jean Brochard (le surveillant général)
Sortie en France : 11 octobre 1957
Ressortie le 8 novembre 2017
Remerciements au distributeur Les Acacias et à TF1 Studio
Restauration 2K par TF1 STUDIO et Mikros Image, avec le soutien du CNC, à partir des négatifs image et son. Un travail minutieux pour nettoyer tous les défauts liés à l’usure du temps a permis de redonner au film tout son éclat.
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