Henri-Georges Clouzot cherchait une histoire pour son nouveau film, une histoire de jeunes gens pendant la guerre ou dans l’immédiat après-guerre. C’est dans sa bibliothèque qu’il a le déclic. Il décide de transposer librement Manon Lescaut de l’abbé Prévost. Ce roman sera le vecteur pour faire le portrait de la jeunesse contemporaine. Qu’aurait fait la Manon de Prévost à la Libération ?
Clouzot s’entoure de jeunes acteurs, certains inconnus. Cécile Aubry est encore lycéenne, elle prend des cours de théâtre sur son temps libre. Le tournage est long, les conditions climatiques au Maroc difficiles, Clouzot, comme à son habitude, d’une violente exigence.
À sa sortie, le film est salué pour ses qualités formelles, son style classique, épuré, le talent indéniable de Clouzot est reconnu. Mais c’est l’histoire de Manon qui subit les foudres de la critique. Trop sombre, trop cruelle, trop pessimiste. Pour La Croix : « Il n’en reste pas moins que nous sommes saturés d’œuvres noires et que l’impression laissée par Manon est une profonde répulsion. » Pour Jean Vidal dans Arts (1er avril 1949): « Une vision triste et terriblement déprimante de l’homme. » Et Armand Monjo dans L’Humanité (12 mars 1949) d’enfoncer le clou : « Ce n’est pas en allant en sens inverse de la nation vivante que nos réalisateurs ou acteurs de talent maintiendront la grandeur du cinéma français et son prestige international. » Encore proche de la fin du conflit, l’heure devrait donc être à la légèreté, à l’enthousiasme, à l’optimisme forcené.
Manon raconte une passion certes dévastatrice et cruelle, mais néanmoins véritable passion amoureuse. Quelques voix s’élèvent, comme celle de Jeander, critique de Libération (9 mars 1949) : « Manon est l’étrange et magnifique orchidée qui s’épanouit sur le fumier de l’après-guerre. » Quelques années plus tard, Ado Kyrou écrira dans son ouvrage Le Surréalisme au cinéma (Terrain vague) : « C’est un véritable hurlement d’optimisme. Avec une force inaccoutumée, les auteurs ont crié que malgré tout, par-dessus tout, l’amour existe. La scène de l’église dans laquelle a lieu une des plus belles scènes d’amour du cinéma, la séquence finale, sont des exemples parfaits de luminosité que peut revêtir l’amour au cinéma. » Un avis partagé par le jury du Festival de Venise qui récompensera Manon du Lion d’or en 1949.
Manon
France, 1949, 1h45, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Henri-Georges Clouzot
Scénario & dialogues : Henri-Georges Clouzot, Jean Ferry, d’après le roman Manon Lescaut de l’abbé Prévost
Photo : Armand Thirard
Musique : Paul Misraki
Montage : Monique Kirsanoff
Décors : Max Douy
Costumes : Carven
Production : Paul-Edmond Decharme, Alcina
Interprètes : Cécile Aubry (Manon), Michel Auclair (Robert Desgrieux), Serge Reggiani (Léon Lescaut), Gabrielle Dorziat (Mme Agnès), Raymond Souplex (M. Paul), Simone Valère (Isé, la soubrette), Henri Vilbert (le commandant du navire), Andrex (le trafiquant), Dora Doll (Juliette), Jean Despeaux (le boxeur), Edmond Ardisson (Pascal), Michel Bouquet (le second), Charles Camus (le vieux monsieur), Robert Dalban (le maître d'hôtel)
Sortie en France : 9 mars 1949
Ressortie le 8 novembre 2017
Remerciements aux Films du Jeudi et Ciné Patrimoine Concept.
Restauration 2K par Les Films du Jeudi avec le soutien du CNC au Laboratoire Film Factory pour l'image et au studio L.E Diapason pour le son.
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