Marée nocturne

Curtis Harrington, auteur et réalisateur de courts métrages d’avant-garde, signe en 1961 son premier long, Marée nocturne. Film à très petit budget et réalisé hors du système des studios, Marée nocturne a été tourné dans les rues de Los Angeles, sur les plages de Venice et Santa Monica, fait encore rare à l’époque.

Inspiré d’un vers du poème "Annabel Lee" d’Edgar Allan Poe, Marée nocturne adapte la classique légende du marin qui succombe aux charmes d’une sirène. Mora, la brune étrange, est cependant loin des stéréotypes du mythe, et oscille ici entre vampirisme et schizophrénie. Est-elle un être aquatique ? Est-elle atteinte de folie ? Ou l’objet d’une manipulation ?

Contemporain de la Nouvelle Vague française, Marée nocturne est un poème cinématographique à l’atmosphère aussi envoûtante que dérangeante, oscillant entre merveilleux et macabre, baignant dans l’ambiance des baraques foraines surannées.

Pour incarner son marin solitaire, Harrington - que Time Magazine surnommera le « Poe with a megaphone » - choisira Dennis Hopper, ici dans un de ses premiers rôles en vedette. L’acteur, dans ce rôle à contre-emploi, évoque les marins de Jacques Demy.

« Ce conte pour adultes, onirique et déroutant, baignant dans une ambiance à la fois réaliste et totalement décalée (on songe à Carnival of Souls) évoque favorablement un univers lynchien digne d’un Mulholland Drive côtier, avec ses personnages interlopes, marginaux en tous genres, gravitant autour d’un parc d’attractions de jetée, aux baraques foraines tour à tour kitsch et inquiétantes, nimbées d’une brume de mer ou d’une simple pénombre. […] Un régal pour cinéphiles. » (Sébastien Socias, L’Écran fantastique n°327, janvier 2012)