Only Lovers Left Alive

Entre la première idée et la sortie en salles de Only Lovers Left Alive, il aura fallu huit ans. Huit années pour écrire, concevoir mais aussi mettre financièrement sur pied ce projet de Jim Jarmusch, un des réalisateurs américains les plus indépendants. Huit années également à échanger avec Tilda Swinton, sublime et envoûtante Eve, pour qui le cinéaste a écrit ce film qui, selon l’actrice, « bouillonnait en eux ».

Si Jarmusch s’attaque au film de vampires, il prend le contrepied de tous les clichés du genre. Point de violence sanguinaire, juste une longue – très longue – histoire d’amour entre Adam et Eve, partagés entre Detroit et ses ruines industrielles, berceau d’une culture musicale underground, et Tanger, au passé sulfureux, où tout étrange étranger est chez lui. Ces vampires sont des esthètes, des êtres bohèmes, extrêmement brillants, cultivés, intelligents. Bien qu’ayant conservé leur instinct animal, ils l’ont dompté : plus d’attaque nocturne, le sang provient des hôpitaux, assurance de son innocuité.

Témoins de différentes époques, Adam et Eve connaissent l’humanité dans ce qu’elle a de meilleur, mais aussi de pire. Quand on vu autant de choses, croit-on encore en l’être humain ? Adam, mélancolique musicien, n’en est pas sûr. Et que faire d’une vie d’immortel ?

Only Lovers Left Alive est un très élégant film d’atmosphère, aussi enivrant que le sang bu dans un verre à porto. Éminemment personnel et poétique (mais tout hérissé de pointes d’humour), il interroge la survie en milieu hostile, la mélancolie du survivant et le monde contemporain. Pour Jim Jarmusch, « Adam et Eve sont des métaphores de l’état actuel de la vie humaine – ils sont fragiles et menacés, si vulnérables face aux forces de la nature et au comportement irréfléchi, totalement dépourvu de vision à long terme, de ceux qui sont au pouvoir. »