Rigor Mortis

En 2013, Rigor Mortis ressuscite une figure alors oubliée du cinéma hongkongais : le vampire chinois. Cousin très lointain du vampire occidental et séducteur de Bram Stoker, le geung si, littéralement « vampire sautillant », est une créature à mi-chemin entre le zombie et le vampire, dont la rigidité cadavérique l’oblige à se déplacer par petits bonds. C’est en 1985, avec le film Mr Vampire deRicky Lau, que le vampire chinois s’empare des écrans de Hong Kong. Le film, entre comédie, horreur et kung-fu, pose les bases d’un sous-genre nouveau et typiquement hongkongais. C’est l’âge d’or du geung si. Très vite, les copies et autres suites non-officielles se bousculent et épuisent les salles. Le vampire retourne dans l’ombre, où il demeurera pendant près de trente ans.

Après des débuts en tant qu’acteur ou scénariste, la pop star hongkongaise Juno Mak fait ses premiers pas de réalisateur. Avec Rigor Mortis, le cinéaste rend un hommage vibrant aux films de son enfance. Mais s’il retrouve à cette occasion une partie du casting de Mr Vampire, dont l’acteur vedette Chin Siu-ho, Mak emprunte pourtant un chemin résolument différent de celui de Ricky Lau. Délaissant l’humour et la parodie, il s’affranchit des codes du genre et signe un film sombre et inquiétant.

Rigor Mortis se fraie un chemin parmi des intrigues enchevêtrées et explore le thème de l’oubli et la peur de l’abandon. Dans une ambiance mélancolique, éclairée par une photographie désaturée et blafarde, Juno Mak livre un film graphique, violent, soutenu par une avalanche d’effets visuels.

Rigor Mortis ne sera pas distribué en Chine, où la censure fait rage au nom de la « lutte contre les superstitions », mais connaîtra le succès au box-office hongkongais. Le film propulse Juno Mak sur la scène internationale. Avec plus de vingt-trois nominations, Rigor Mortis sillonne le monde des plus grands festivals, de Venise à Toronto. Largement récompensé, il reçoit, à Gérardmer, le prix du jury. Malgré l’attention de la critique, le film reste inédit dans les salles françaises.