Un goût de miel

Adaptation de la pièce à scandale de la jeune dramaturge irlandaise Shelagh Delaney, Un goût de miel de Tony Richardson est un jalon majeur du Free Cinema. Cette Nouvelle Vague britannique, fondée dès 1956 par Richardson, Karel Reisz et Lindsay Anderson, est un mouvement protestataire, qui revendique un cinéma indépendant et social, bien décidé à transgresser les règles de l’establishment. Le Free Cinema va de pair avec les Angry Young Men, qui s’illustrent dans la littérature.Les réalisateurs adaptent les œuvres de ces « jeunes gens en colère » et donnent la parole aux classes populaires.

Naviguant entre point de vue documentaire et influences néoréalistes, Richardson évite l’écueil du mélodrame. Dans des paysages industriels désolés, éclairés par un noir & blanc sans fard, Jo grandit, en marge de la société. Pour cette adolescente des bas-quartiers de Manchester, le passage à l’âge adulte a un goût amer. Sous ce ciel brouillé par les fumées d’usines, Jo et Geoffrey se reconnaissent dans leurs solitudes. Unis par une étrange tendresse, ces camarades d’infortune connaissent un dernier sursis avant l’âge adulte. Sélectionné à Cannes, Un goût de miel vaut à ses deux jeunes acteurs les prix d’interprétation féminine et masculine.

Cinéaste sensible et contestataire, Tony Richardson ouvre la voie au cinéma social de Ken Loach.

« Le simple mot émotion paraît bien faible. Nous sommes émus par la pudeur du traitement, émus par l’interprétation bouleversante de vérité de Rita Tushingham, Dora Bryan et du jeune Murray Melvin. […] Le réalisateur est en prise directe avec la vérité, évitant le biais de tout esthétisme et parvient, à force de sincérité, à une indéniable poésie. […] Pudique, modeste, d’une grande sensibilité de touche, A Taste of Honey ne peut qu’être l’œuvre d’un cinéaste généreux. » (Patrick Bureau, Cinéma 63 n°75, avril 1963)