Vivre ensemble

Visage emblématique de la Nouvelle Vague et actrice fétiche de Jean-Luc Godard, Anna Karina livre en 1973, treize ans après ses débuts à l’écran, son tout premier film personnel.

Avec Vivre ensemble, elle se lance, tête baissée, dans un tournage-éclair. En seulement quatre semaines et avec bien peu de moyens, elle esquisse le récit de deux ans d’intimité. Mais le film est aussi la chronique d’une époque, celle de la guerre du Viêt-nam et du début des années 1970. Karina promène sa caméra dans les quartiers underground de New York, et flâne dans un Paris bohème. Mais c’est dans le Quartier latin, cher à son cœur, qu’elle raconte l’usure des sentiments.

L’actrice-réalisatrice invente un itinéraire amoureux, composé d’instants volés, de scènes disparates. «Dans la vie, on ne se rappelle que des moments. » déclare-t-elle (Jeune Cinéma n°73, octobre 1973).

Chronique sentimentale sur la difficulté d’être deux, Vivre ensemble offre à Karina un rôle sur mesure. Elle interprète Julie, trentenaire désordonnée et fantasque, qui prend doucement le chemin de l’âge adulte. À contre-courant, Alain refuse désormais le conformisme et l’ennui. Les personnages entreprennent des trajets contraires, asynchrones, jusqu’au point de divergence absolue.

Les maladresses de ce premier film sont compensées par la touchante spontanéité de la mise en scène.  « Vivre ensemble : il y a dans le beau titre d’Anna Karina une correspondance implicite avec son propos qui est la simplicité même, la simplicité d’un art qui a ses racines dans la complexité de la vie » (Jean-Paul Török).

Film tendre et nostalgique, Vivre ensemble est sélectionné par la Semaine de la Critique à Cannes en 1973. Anna Karina poursuivra sa carrière d’actrice, mais repassera de l’autre côté de la caméra en 2008, avec Victoria, qui l’entraînera sur les routes du Canada.